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    L'avenir

    "L'avenir n'est donc pas encore ; s'il n'est pas encore, il n'est pas et s'il n'est pas, il ne peut absolument pas se voir, mais on peut le prédire d'après les signes présents qui sont déjà et qui se voient."

    Saint Augustin "Les confessions"

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  • Bible  Jérusalem, Genèse 4, 1-16

    «L'homme connut Eve, sa femme; elle conçut et enfanta Caïn et elle dit : J'ai acquis un homme de par Yahvé. Elle donna ensuite le jour à Abel, frère de Caïn. Or Abel devint pasteur de petit bétail et Caïn cultivait le sol. Le temps passa et il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande à Yahvé, et qu'Abel, de son côté, offrit des premiers-nés de son troupeau, et même de leur graisse. Or Yahvé agréa Abel et son offrande. Mais il n'agréa pas Caïn et son offrande, et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu. Yahvé dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n'es pas bien disposé, le péché n'est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer? Cependant Caïn dit à son frère Abel : Allons dehors, et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. Yahvé dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? Yahvé reprit : Qu'as-tu fait ! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant, sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit : tu seras un errant parcourant la terre. Alors Caïn dit à Yahvé : Ma peine est trop lourde à porter. Vois ! Tu me bannis aujourd'hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre : mais, le premier venu me tuera ! Yahvé lui répondit : Aussi bien, si quelqu'un tue Caïn, on le vengera sept fois et Yahvé mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point. Caïn se retira de la présence de Yahvé et séjourna au pays de Nod, à l'orient d'Éden.»

    Victor Hugo, Les Poèmes

    La conscience

    Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
    Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
    Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
    Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
    Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
    Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
    Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
    Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
    Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
    Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
    Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
    « Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
    Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
    Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
    Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
    Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
    Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
    Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
    Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
    « Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
    Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
    Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
    L'oeil à la même place au fond de l'horizon.
    Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
    « Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
    Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
    Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
    Sous des tentes de poil dans le désert profond :
    « Etends de ce côté la toile de la tente. »
    Et l'on développa la muraille flottante ;
    Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
    « Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
    La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
    Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
    Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
    Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
    Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
    Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
    Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
    Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
    Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
    Bâtissons une ville avec sa citadelle,
    Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
    Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
    Construisit une ville énorme et surhumaine.
    Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
    Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
    Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
    Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.

    Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
    On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
    Et la ville semblait une ville d'enfer ;
    L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
    Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
    Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
    Quand ils eurent fini de clore et de murer,
    On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
    Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
    L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
    Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »
    Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
    Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
    Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
    On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
    Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
    Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
    Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
    L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

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  • La véritable richesse consiste à se satisfaire de peu

    Prêtre avant d’être peintre, Fra Angelico (de son vrai nom Guido di Pietro) est né en Toscane et entre très jeune dans l’ordre des « Dominicains observants », dont la règle, édictée par saint Dominique, est la pauvreté absolue et l’ascétisme. Il ne sera appelé
    « Beato Angelico » (Bienheureux Angelico) qu’après sa mort, par Giorgio Vasari, le biographe des peintres de la Renaissance, auteur des Vite.

    Fra Angelico apprend la peinture à Florence, à l’époque où le style « gothique international », mêlant influences du Nord et du Sud de l’Europe, domine. L’art occidental connaît alors un tournant, notamment grâce au peintre Giotto, avec l’adoption des règles de la perspective et d’un certain réalisme des représentations. De nombreux éléments de la peinture médiévale sont cependant encore vivaces dans l’œuvre de Fra Angelico : didactisme, révélation par la lumière qui inonde les êtres et les choses, couleurs exacerbées, thèmes mystiques.

    En 1436, Fra Angelico s’installe dans le nouveau couvent de San Marco à Florence. Placé ainsi dans le centre artistique le plus important d’Europe, Fra Angelico porte à la perfection son art grâce au mécénat des puissants Médicis, qui lui demandent de décorer le monastère. Cet ensemble, ainsi que le Retable de San Marco, aujourd’hui dispersé, est l’œuvre majeure de l’artiste.

    Ayant acquis une renommée internationale, Fra Angelico est appelé à Rome par le pape Eugène IV, pour peindre la chapelle du Saint-Sacrement de la basilique Saint-Pierre. Salué par les plus grands, mais refusant les honneurs en raison de son vœu de pauvreté, Fra Angelico meurt à Rome en 1455, à l’âge de 68 ans. Le peintre a été béatifié par le pape Jean-Paul II en 1984 et proclamé saint patron des artistes.

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  • Camille Claudel

    L'amitié peut subsister entre les gens de différents sexes, exempte même de toute grossièreté. Une femme cependant regarde toujours un homme comme un homme; et réciproquement un homme regarde une femme comme une femme. Cette liaison n'est ni passion ni amitié pure : elle fait une classe à part. L'amour naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse : un trait de beauté nous fixe, nous détermine. L'amitié au contraire se forme peu  à peu, avec le temps, par la pratique, par un long commerce. Combien d'esprit, de bonté de coeur, d'attachement, de services et de complaisance dans les amis, pour faire en plusieurs années bien moins que ne fait quelquefois en un moment un beau visage ou une belle main!

    Le temps, qui fortifie les amitiés, affaiblit l'amour.

    "Du coeur" La Bruyère

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  • A Mexico, la presse stalinienne attaquait et calomniait constamment Trotsky. Des milliers de roubles étaient envoyés de Moscou et généreusement distribués aux journalistes corrompus. Au début de l'année 1940, le nombre d'attaques et de calomnies s'est mis à augmenter. Ce que Trotsky commentait ainsi : « Il semble que ces journalistes ne vont pas tarder à troquer leur stylo contre une mitrailleuse ». Le 24 mai, un groupe de terroristes dirigés par le peintre Alvaro Siqueiros s'est introduit dans la maison et en a pris le contrôle. Un groupe a pris position derrière un arbre situé en face des gardes. Ils tiraient de telles rafales que les gardes ne pouvaient pas bouger. Un autre groupe est parti à la recherche de Natalia et Trotsky. Ils ont tiré de trois positions différentes, dans le noir, avec un Thompson. L'un des terroristes est entré dans la chambre où je dormais et a fait feu. Trotsky s'en est miraculeusement sorti. C'est en partie grâce à la réaction rapide de Natalia, qui l'a poussé sous une table et l'a protégé de son propre corps. Trotsky, qui prenait des somnifères, était endormi. Il croyait dans un premier temps qu'il s'agissait d'une de ces fêtes religieuses mexicaines où l'on tire des coups de feu ! Mais l'odeur de la poudre et la proximité de l'attaque n'ont pas tardé à le rendre conscient de ce qui se passait.

    Lorsque les terroristes sont partis, je me souviens qu'on a immédiatement entendu la voix de Trotsky. Il tirait sur l'ombre qui fuyait le long du canal situé tout près de la maison. Quelques instants plus tard, tous les membres de la famille, tous les habitants de la maison se sont réunis. Le fait d'avoir échappé à cet attentat mettait Trotsky dans un état de véritable euphorie. Je me souviens aussi que lorsque le téléphone a sonné, Trotsky l'a décroché et s'est immédiatement mis à injurier son interlocuteur. Il pensait évidemment que c'était ses assaillants qui cherchaient à s'informer. Il y avait un fait, cependant, qui assombrissait l'ambiance : Sheldon Harte avait été kidnappé par les terroristes.

    Après cette attaque, on a modifié certaines choses dans la maison, et ce grâce à l'aide de la section américaine de l'Internationale. On a installé une porte métallique, de nouvelles fenêtres et des tours pour les gardes. Trotsky était un peu sceptique quant à l'utilité réelle de tout ce travail. Il était persuadé que la prochaine attaque ne serait pas du même genre. Et il avait raison. Personne n'aurait pu imaginer que Jackson, qui était le compagnon de Sylvia Ageloff, et qui ne s'intéressait pas à la politique - un homme d'affaire généreux, qui sympathisait avec les gardes, etc. - était en réalité un agent du GPU [la police secrète de Staline]. Finalement, c'est lui qui est parvenu à accomplir la volonté de Staline.

    Le 20 août, je revenais de l'école par la rue de Vienne, une rue assez longue, et lorsque j'arrivais à trois intersections de la maison, je remarquai que quelque chose se passait. Je me suis mis à courir ; j'étais angoissé. Plusieurs officiers de police se tenaient devant la porte, qui était ouverte. Une voiture était là, mal garée. En entrant, j'aperçus Harold Robbins, l'un des gardes, qui tenait un revolver et était très agité. Je lui demandai : « Que se passe-t-il ? ». Il me répondit : « Jackson, Jackson... ». Je ne compris pas, tout d'abord, et continuais à marcher. Je vis alors un homme, tenu par deux policiers, dont le visage ruisselait de sang, et qui criait, pleurait... C'était Jackson. Cette image me rappelle le comportement des soi-disant « héros » staliniens, et puis je pense aux militants de l'Opposition qui se sont battus et qui sont tombés sous les balles du GPU en criant « Vive Lénine et Trotsky ! » et en chantant l'Internationale.

    En entrant dans la maison, je réalisais ce qui venait de se passer. Natalia et les gardes étaient là. Je me souviens de ce détail : même à cet instant, malgré son état, Trotsky refusa que son petit-fils assiste à la scène. Cela montre la grande qualité humaine de cet homme. De même, il eut la présence d'esprit de recommander de ne pas tuer Jackson, qui était plus utile vivant. Mais les gardes ont tout de même frappé Jackson, et Hansen s'y est cassé le poigné.

    Je voudrais finir en citant les derniers mots du testament de Trotsky : « La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression, de toute violence, et en jouissent pleinement. »

    Esteban Volkov

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